MEXIQUE
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Feliz día de los muertos!

Le jour des morts mexicain est une fête exubérante et l’aspect le plus éclatant d’une culture qui place la mort au centre de la vie.

Le jour des morts au Mexique est une explosion de vie, festive et colorée. Les cimetières deviennent des lieux extra-ordinaires où les familles se réunissent et veillent toute la nuit. On dit que ce jour-là, la frontière entre les mondes se dissout et que pendant 24h les défunts reviennent sur terre pour visiter leurs proches. Ainsi les vivants préparent leur venue en décorant leur tombe d’oeillets de couleur orangée -le cempazuchitl- de guirlandes colorées en papier -les papel picado- de cierges et d’offrandes. On y amène les objets personnels des défunts, leur alcool et leurs mets préférés ainsi que des friandises en forme de petits crânes - les calaveritas-.



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A la tombée de la nuit, réunis autour de la tombe familiale, on veille ensuite en leur présence. L’air embaume l’encens de copale et dans cette atmosphère mystique, éclairés par des centaines de bougies, les vivants racontent aux morts l’année écoulée, des musiciens jouent leur chanson favorite, on boit, on danse et, du crépuscule jusqu’à l’aube, à aucun moment la tombe n’est laissée seule.



Au cas où les familles ne peuvent pas visiter les tombes, c’est dans leur maison qu’elles installent un autel pour honorer les défunts. Dans ce cas, un chemin de fleurs guide les âmes de la porte de la maison jusqu’à l’autel. Et partout dans les rues, sont organisées des parades ou les gens traditionnellement grimés en squelettes dansent au son des fanfares et des feux d’artifice.

La reine du jour est Catrina, la déesse aztèque de la mort Mictecacíhuatl rendue immensément populaire par l’artiste satyrique mexicain José Posada qui l’a représentée sous la forme d’un squelette de vieille dame, élégamment habillée et coiffée d’un chapeau ornée de plumes d’autruches. Les Mexicains aiment se déguiser et incarner ce personnage symbolique le jour de la fête des morts. Quant aux cavaleras, des représentations de crânes humains bigarrés et colorés avec des fleurs, ils sont représentés partout et sous toutes les formes.

C’est la fête la plus importante de l’année, inscrite depuis 2003 au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.

Cette intimité avec la mort dans la culture mexicaine peut surprendre l’occidental. « Pour l’habitant de Paris, New York ou Londres, la mort est ce mot qu’on ne prononce jamais parce qu’il brûle les lèvres. Le mexicain en revanche la fréquente, la raille, la brave, dort avec elle, la fête, c’est l’un de ses amusements favoris et son amour le plus fidèle. Certes, dans cette attitude, il y a peut-être autant de crainte que dans l’attitude des autres hommes, écrit l’écrivain mexicain Octavio Paz, mais au moins le Mexicain ne se cache pas d’elle, ni ne la cache ; il la contemple face à face avec impatience, dédain ou ironie ».


Au Mexique, la mort, on la nargue, on la défie, on l’aime, pour la conjurer.. par fierté , par dérision, par bravade, avec une bonne dose de fatalisme aussi. On l’inclut au coeur de la vie, mais on sait bien que c’est elle qui gagne à la fin. Le mexicain est un homme qui aime les combats perdus d'avance..

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Dans les arts populaires, en poésie, en littérature, en peinture, la représentation de la mort est si présente qu’elle en est devenue l’emblème nationale du pays. En réalité, C’est un fait culturel qui vient de très loin. Les civilisations précolombiennes et l’empire aztèque en particulier, avaient déjà un culte des morts très puissant. L’art précolombien abonde en représentations de crânes et d’os croisés et les artistes mexicains du XXme siècle tels que Diego Rivera, Frida Kahlo, José Clemente Orozco ou Francisco Goitia ont continué à alimenter et dynamiser le thème de la mort comme icône du peuple mexicain. La fête des morts mexicaine est ainsi l’expression unique de coutumes aztèques anciennes et de rites catholiques hérités des colons espagnols.


Dans son exubérance et ses débordements, la fête des morts chercherait-elle à nous enseigner la vie ? Lorsqu’on regarde la mort en face, sa contre-partie, la vie, n’en est-elle pas rendue plus intense, plus précieuse et plus digne d’être vécue ? Le jour des morts mexicain est peut-être une incitation à jouir de la vie, à l’aimer d’un amour profond, total, avec abandon et sans retenue. Car, comme le dit si bien le poète mexicain Octavio Paz, « Une civilisation qui renie la mort finit par renier la vie ».








virginie claret